De l'esprit (philosophie) de la loi sur le surendettement

Démarré par bisane, 05 Décembre 2016 à 08:46

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0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

bisane

C'est ainsi titré par la cour de cassation dans son rapport de 2009 (souvent cité pour ses jurisprudences qui s'essaient à fixer quelques principes concernant la bonne ou mauvaise foi) : la finalité de la procédure de traitement du surendettement. Voilà qui a le mérite de poser clairement les choses !  :D

Mais alors quelle est-elle, cette finalité, qui n'apparaît pas toujours de la manière la plus limpide et évidente ?  :o ???
Je ne cite bien sûr que quelques extraits, très subjectivement choisis, mais vous invite vivement à lire tout le chapitre, dont la teneur et le raisonnement sont du plus grand intérêt !

C'est bien sûr un peu technique, sans quoi la haute cour ne tiendrait pas son rang, voire hermétique pour le novice, mais le décorticage en vaut la chandelle... pour laquelle l'âne va s'essayer modestement à une petite explication de texte.

Ca, c'est compréhensible par tout un chacun, et c'est à retenir !
pour le particulier de bonne foi dont les ressources présentes ou futures se révèlent manifestement insuffisantes à payer les dettes échues ou à échoir, la loi organise des procédures visant à le faire sortir de son endettement ruineux.

La CC précise ensuite les conditions juridiques et législatives dans lesquelles cette "sortie" peut s'opérer.
Ainsi :

Le droit du surendettement consacre et élargit ainsi de manière éclatante la théorie de l'imprévision, admise depuis longtemps en droit administratif, en vertu de laquelle le juge a le pouvoir de réviser un contrat à la demande d'une partie lorsque par suite d'un événement extérieur, étranger à la volonté des contractants et imprévisible lors de la conclusion, l'exécution de celui-ci devient pour l'un des contractants tellement onéreuse qu'elle risque de le ruiner.
Voilà qui est un peu limitatif, puisque l'événement créant l'incapacité de payer doit non seulement être "imprévisible", mais aussi "étranger à la volonté des contractants".

La CC précise cependant que cette notion est élargie, de la manière suivante :
- elle fait dépendre la révision judiciaire non pas d'un bouleversement des circonstances économiques rendant ruineuse pour le débiteur l'exécution de ses obligations, mais de l'altération de sa situation financière due, indifféremment, au tarissement de ses ressources ou au cumul imprudent de ses obligations au-delà de ce que sa situation de fortune permet.
En clair : la circonstance n'est plus seulement extérieure, mais peut provenir d'une dégradation "interne" de la situation financière (une baisse de revenus, due à une perte d'emploi, par exemple), mais aussi, en quelque sorte, à une mauvaise gestion, conduisant par exemple à contracter trop de crédits.
Et de poursuivre :
Elle étend ainsi la révision judiciaire non seulement aux débiteurs exposés à la ruine en raison de circonstances externes à leur propre volonté, mais aussi à ceux qui se sont mis dans cette situation pour s'être imprudemment obligés.
Si même l'imprudence est absoute !  >:D
- la CC est même capable de se montrer facétieuse !  ;D
Certains auteurs se demandent d'ailleurs si l'on peut encore, avec le droit du surendettement, parler de force obligatoire du contrat.
A ben si un contrat n'engage plus, alors...
- mais elle conclue plus sérieusement :
il est évident désormais que la procédure de surendettement, avec la loi du 1er août 2003, relève bien « d'un droit spécial et social du surendettement » ou un « droit social des contrats  » dont « le but n'est plus d'aider un débiteur à payer ses créanciers mais d'éviter que l'obligation de payer ceux-ci n'aboutisse à le marginaliser ».
Il est des évidences qu'il est parfois bon de rappeler, tant certains positionnements récents des BDF et des juges semblent démontrer que ce principe est quelque peu oublié...  :-\

Le rapport ne fait jamais que 587 pages (version intégrale) mais j'ai eu la curiosité de lire l'avant-propos, rédigé par un certain Xavier Lagarde, qui ne doit rien avoir à voir avec la rédactrice de la loi de 2010, laquelle semble cependant s'en être largement inspirée. En effet, que nous dit le sieur Xavier ?
Il nous dit ceci, qui est sans doute quelque peu idéaliste, voire utopique, mais qui a le mérite d'être écrit, en élargissant le propos au-delà du surendettement :
les droits fondamentaux constituent désormais la boussole de nos systèmes juridiques, le législateur et le juge travaillent de concert à ce que les droits des individus ne demeurent à l'état de prérogatives théoriques. Selon le terme aujourd'hui consacré, ils veillent à l'effectivité des droits. La vulnérabilité ne saurait justifier que ceux-ci restent lettre morte. Au juge, il revient de donner un effet utile aux règles protectrices des personnes en situation de faiblesse.
Or, d'une manière générale, et en grossissant un peu le trait, le débiteur lambda est toujours considéré comme étant "en situation de faiblesse" (certains plus que d'autres) face à un professionnel.
L'idéal est cependant bien souvent bousculé par des décisions qui, elles, tendent à préserver les intérêts des professionnels, comme en témoigne le revirement concernant le point de départ du délai de prescription en matière de crédit immobilier.


Reste qu'il deviendrait insupportable que la "finalité" ici affichée soit dénaturée et en vienne à perdre tout son sens !  ;)
il n'y a que les combats que l'on ne livre pas que l'on est sûr de perdre...

agathe

#1
La Commission a toujours travaillé dans le sens de la loi, sinon les contestations seraient courantes et elle serait remise en cause.
Quant à la situation de faiblesse elle celle dans la qu'elle se trouve le débiteur et non par rapport à la puissance des creanciers.
De plus ou est le rapport avec le fait que le surendettement vient presque toujours du fait d'obtenir des credits nouveaux pour boucher les trous, informer de ce danger est le plus important à faire.
Ce n'est pas un etat de faiblesse c'est de la non information.

l'indien

Citationil est évident désormais que la procédure de surendettement, avec la loi du 1er août 2003, relève bien « d'un droit spécial et social du surendettement » ou un « droit social des contrats  » dont « le but n'est plus d'aider un débiteur à payer ses créanciers mais d'éviter que l'obligation de payer ceux-ci n'aboutisse à le marginaliser ».
Il est des évidences qu'il est parfois bon de rappeler, tant certains positionnements récents des BDF et des juges semblent démontrer que ce principe est quelque peu oublié

Cette réflexion j'y adhère totalement, en faisant remarqué, que le débat est avant tout économique. Faire payer une erreur à une famille pendant 20 c'est la mettre hors de la vie économique pendant 20ans (avec des conséquences lourdes pour les enfants qui eux aussi paient la note dans leur avenir). Alors que pour la société financière le risque est mutualisé et intégré dans les prévisions de gestion.

agathe

Les pertes étant mutualisees aussi auprès des emprunteurs.....

Caren

Pourriez-vous expliciter votre propos, Agathe, car je ne le comprends pas ?
En effet, je ne vois pas du tout comment un emprunteur, un particulier seul pourrait mutualiser le risque, encore moins les pertes...

l'indien

je pense que Agathe parle des assurances.

La gestion d'un organisme financier se fait en prévoyant un certain pourcentage de non remboursement, intégrer dans le taux d'un emprunt. De ce fait c'est ceux qui rembourse qui participe.

Ce que je veux dire les financiers dorment sur leur deux oreilles (quand ils sont bons gestionnaires) pendant qu'une famille peut être totalement marginalisée en payant une erreur de gestion.

agathe

Excusez ce lapsus calami, effectivement c'est prêteur et non emprunteur.

Astian

Il faut lire ce rapport à la lumière du corpus principal qui est " Les personnes vulnérables dans la jurisprudence de la cour de cassation".

La vulnérabilité issue de la procédure de surendettement - quelqu'en soit la cause - responsabilité du débiteur, désinformation par le prêteur - introduit dans le droit positif et notamment celui des obligations, une brèche, un droit social nouveau, celui de ne pas honorer les créances à l'origine de la procédure.  Ce droit social remet en cause les motifs traditionnels de rupture du contrat : désaccord  sur l'objet et la chose, capacité des contractant, dol, lésion, violence etc... Ce droit nouveau est issu de la vulnérabilité temporaire ou définitive dans laquelle le débiteur s'est fourvoyé ( entendons nous, je ne porte pas de jugement sur les motifs de la procédure)  qu'il soit du à une circonstance extérieure au débiteur ou à sa propre inconséquence. Il va également à l'encontre du droit commercial qui régit la volonté des partie dans le silence des contrats.

Peut on véritablement parler de droit nouveau ? De quoi parle t'on si ce n'est de la dignité de chacun : de vivre décemment, d'avoir une vie sociale, d'avoir un toit sur la tête, de ne pas obérer l'avenir d'une descendance, ne pas devenir marginal au simple motif d'une obligation contractuelle.

La nouveauté s'il en est une c'est qu'un droit social s'oppose par nature au droit civil et au droit économique et commercial au travers d'un arbitrage de la cour de cassation.

Dans des temps de disparition de l'économie réelle au profit d'une financiarisation à tout va de notre espace de vie, on ne peut que se féliciter d'une prise de position inverse à celle qui régit notre quotidien.
"L'adversité contient toujours le ferment d'une nouvelle chance."

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