Lettre au forum

[nat83]

Parce que j'aime bien écrire alors je vous dédie ce texte.

A tous les surendettés de ce forum,

Il y a quelques semaines encore, j'étais bien décidée à me sortir de tous ces crédits. Mon ventre se tordait à l'idée de faire mes comptes, consciente du danger, je m'enfonçais dans le déni.
Le déni : «  L'acte de déni refuse de prendre en charge certaines perceptions : un fragment, éventuellement important, de la réalité, se voit totalement ignoré ; la personne qui dénie se comporte comme si cette réalité n'existait simplement pas, alors qu'elle la perçoit. »


Toutefois, il y avait cet espoir en cours, de demande de rachat de crédit .J'étais certaine qu'avec nos CDI nous aurions une réponse positive. Que nenni, à deux reprises la réponse fut négative.

Un matin, mon mari m'a ouvert les yeux, je ne peux plus renflouer nos comptes m'a-t-il dit. A moins de continuer et de reprendre encore et encore des crédits.
A cette idée, mon estomac se souleva car je ne voulais plus revivre cela : chercher un magasin, demander une carte, remplir le dossier, mentir sur la situation, acheter un truc parfois. Puis attendre le courrier avec les codes et identifiants pour de suite faire un virement. Ouf, encore quelques jours de gagner mais je savais que c'était reculer pour mieux sauter.
Alors l'idée de déposer un dossier est venue s'imposer. Au début, on pleure beaucoup, on visite des tas de sites internet, on lit, on se dit que nous ce n'est pas pareil...Puis, timidement on s'inscrit sur un forum et pas n'importe lequel, ce forum contient le mot entraide et c'est de ça dont nous avons besoin à ce moment-là.

Très vite, on vous demande de remplir un tableau...Ce tableau est LE DECLIC. On ne s'imaginait pas à quel point on était endetté...La peur, la honte, la culpabilité nous envahissent et notre corps est submergé par la douleur.
Après ce coup brutal, ce face à face à la réalité, on reprend un peu le dessus et on s'aperçoit que l'on n'est pas seul. On est alors décidé à déposer.

Une fois le dossier mis entre  les mains de la Banque de France, on doit de nouveau faire face à de nouveaux sentiments.
Le premier, il va falloir faire le deuil de la vie d'avant. Fini les petits caprices grâce à la carte « ce n'est pas grave on paiera dans 3 mois », d'ailleurs on s'en fiche un peu car dans 3 mois la situation aura évolué...ou non. (Mais à ce moment-là de notre existence on n'y croyait  encore.)
Le second, le doute. Et oui faire un dépôt de dossier ce n'est pas gagné ! Il faut qu'il soit recevable. Là encore, sacrée douche froide car je pensais que toute personne surendettée y avait droit au même titre qu'une société dépose le bilan, je pensais que tout individu avait aussi le droit et le devoir de se mettre en faillite pour éviter le pire. Mais  a priori, il parait que des gens préfèrent fuir que de payer leur dettes, alors l'octroi du mot recevable est une chance .Et malheureusement, tous les surendettés ne sont pas égaux...Y en a de mauvaise foi !! Et là,  pardonnez ma colère mais comment peut-on être de mauvaise foi quand on en est arrivé à ce stade de notre vie ? Comment la Banque de France peut-elle laisser des familles dans le désespoir complet face à des requins financiers. Comment ne pas comprendre que les saisies  vont aggraver les situations et pousser les familles au suicide ?
Mais le troisième sentiment et celui-là n'est pas rien est le sentiment de soulagement. On est soulagé : c'est un peu comme un coming out .On a fait face à notre situation et quoiqu'il arrive on est prêt à se battre. En tous les cas, nous sommes au fond du trou et comme nous  ne sommes pas morts nous devons refaire surface, recevabilité ou non.
A ce jour, je suis submergée par ces trois sentiments, faire le deuil, avoir le doute et me sentir tout de même soulagée.

Je sais que ma vie ne sera plus jamais comme avant, je sais que je vais payer mon insouciance ?, mon inconscience ? Quoiqu'il en soit je vais payer.
Je me demande même si tout cela n'a pas un sens. Je suis quelqu'un de foncièrement tordue et qui a toujours eu peur du bonheur (de peur qu'il se sauve).Alors ma situation n'est peut-être pas un hasard, j'en rajoute une couche à un vécu déjà si douloureux.
Peut -être que nous les surendettés sommes des gens bien particuliers et qui sait sommes des gens « trop  biens ».Notre sensibilité, notre fragilité nous ont  amené dans cette situation .D' ailleurs c'est ce que j'avais dit à mon banquier quand il a reçu le courrier des révocations de crédits. Il m'avait traité de procédurière, j'avais rétorqué «  mais monsieur, si j'étais procédurière vous croyez réellement que je me serais mise dans une telle situation ? »

A vous tous, membres de ce forum, un sursaut de fierté m'envahit aujourd'hui. Nous sommes des êtres bons et généreux et pour la plupart nous avons un énorme besoin de faire plaisir aux autres et de les aider. Ne nous laissons pas abattre, revendiquons nos droits. Et merci à Bisane pour sa mission de venir en aide gratuitement. L'âne a compris à qui il avait à faire et ce dès le début, je viens moi aussi d'en prendre conscience .Plus je lis les parcours de chacun, plus je suis fière de faire partie de ce genre humain. Des êtres trahis, meurtris mais résolument humains.

Merci .

[Smilysoul]

merci à toi  pour ce joli message 

[Comailles]

 

[agathe]

Petite info le pourcentage d'irrecevables au niveau national est de 7,3%sur cinq ans. Le forum fédére les personnes en difficulté avec le traitement normal car il n'existe pas grand chose pour conseiller.

[biquette59]

 

[catsen]

Petite info le pourcentage d'irrecevables au niveau national est de 7,3%sur cinq ans. Le forum fédére les personnes en difficulté avec le traitement normal car il n'existe pas grand chose pour conseiller.

mais ces irrecevables qui ont ils pour les défendre???   comment arriver à trouver l'espoir?



Merci Nat 


c'est vrai tous ces sentiments, mais aussi la fierté d'avoir oser regarder notre endettement en face  et lui dire "c'est plus toi qui décide" je prends les choses en main!!!!

[agathe]

La loi surendettement n'est que pour les personnes éligibles à la loi. Je conçois que pour les non éligibles ils ne savent vers qui se tourner pour avoir de l'aide.

[BRUYERE]

Merci pour ce beau témoignage Nat, si émouvant et si vrai ....

Nous sommes très très nombreux ici  qui aurions pu l'écrire , avec les mêmes mots et le même ressenti ....

La loi surendettement n'est que pour les personnes éligibles à la loi. Je conçois que pour les non éligibles ils ne savent vers qui se tourner pour avoir de l'aide.

De quels personnes parlez-vous précisément agathe ? de ceux à qui leur profession (agriculteurs, commerçants , professions libérales ..) ne permet pas de déposer un dossier BdF ?

Dans la plupart des cas, il me semble qu'il existe d'autres procédures (liquidation judiciaire notamment..) et des structures (chambres de commerce ou d'agriculture ) qui peuvent leur venir en aide..

[bisane]

  pour ce message, en effet très représentatif... que je me suis permis de déplacer dans une section lui convenant mieux ! 

[Oracle]

Que puis-je ajouter à ce témoignage sorti du fond de vos entrailles ?

Merci à vous. 

[JPA]

Nous sommes nombreux à nous retrouver dans vos propos! Merci pour votre message très touchant!


De bons consommateurs à s'être fait avoir dans cette sur consommation, que ce soit  de voyages, de bagnoles, de motos, de trop belle maison,  de fringues, de rêves de réussite sociale en usant du jeu en bourse, du jeu d'argent, voire s'endosser  des crédits immo pour espérer gagner plus en louant des apparts.


Nous sommes tous de bons doux rêveurs qui enfin ouvrons les yeux et sommes confrontés à notre réalité, à nos excès passés.


Juste bons à bosser, payer nos impôts, nos charges, nos crédits, et le jour où on dépose notre dossier, et qu'on se retrouve irrecevable, j'ai l'intime conviction que bons nombre d'entre nous ne pourront plus jamais en témoigner, car ils ont décidé d'en finir de toutes ces histoires de pognon, en en finissant tout court.


Merci pour tous les contributeurs de ce fabuleux forum. Vous permettez à bien des membres de relever la tête et à envisager l'avenir différemment.