7 ans de surendettement à 32 ans... oui, on s'en sort !!

Démarré par missN, 07 Avril 2014 à 20:53

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0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

missN

Bonjour à toutes et à tous,


Par où commencer... cela risque d'être long, très long ! (je ne sais pas s'il y aura beaucoup de monde qui aura envie d'aller jusqu'au bout du post  ;) )

Tout d'abord, par remercier l'équipe qui anime ce forum, et tous les membres, vous tous.

A l'époque de la mise en place de mon surendettement, en 2007, si je ne me trompe pas, ce forum n'existait pas encore (ou alors, je n'avais pas réussi à le trouver !)

Or, en le parcourant, je vois que c'est une mine d'or de tout : de conseils, d'informations, de renseignements pratiques et légaux, mais avant tout de soutien, et d'entraide, comme son nom l'indique !! Et ça, dans un surendettement, c'est primordial...


Combien de fois avons-nous ressenti ça, pêle-mêle et pas forcément dans cet ordre : surprise, désarroi, aveuglement, prise de conscience, sentiment d'abandon, dégoût de soi, de la vie, des autres, du système, angoisse de ne jamais pouvoir y arriver, solitude, dépression, incompréhension, peur, de tout, de tous, des courriers, du téléphone, du regard des autres, de son propre regard, remise en question, comment en suis-je arrivé là? Qu'est-ce qui s'est passé? et finalement, aussi, ne pas oublier, jamais, qu'à un moment il y a l'espoir, l'envie de combattre, l'envie de s'en sortir... et que toute cette spirale aura une fin.

Toutes ces choses-là, je les ai vues dans vos témoignages, et je suis aussi passée par là... ça m'arrive encore parfois.


Je ne sais pas exactement comment j'ai pu ne rien voir jusqu'à en arriver au surendettement. Ca paraît bizarre, mais tout ce dont j'ai vraiment conscience, c'est d'avoir commencé par prendre une réserve de crédit à ma banque, pour combler un découvert. J'avais 21 ans à l'époque. Je n'étais pourtant pas spécialement immature, et j'étais avertie du danger des réserves de crédits : mes parents m'avaient prévenue, pour y avoir succombé, de ne jamais faire ça...

Mais comme c'était une réserve de crédit avec ma banque, proposée par mon conseiller de l'époque, je me suis dit (et ma mère aussi, à qui j'en ai parlé...) que je ne risquais rien.

Et puis, elle me servait bien cette réserve, elle était pratique, en cas de régul EDF, de dentiste etc... je gérais comme je voulais, on ne me disait rien, c'était super ! Un jour, son montant a augmenté automatiquement de 1000 euros, sans que je me souvienne l'avoir demandé.

Et puis deux ans après, elle n'a plus suffi. Alors, j'en ai pris une autre ailleurs, me disant que je gérerais, deux, ce n'est pas beaucoup etc... et entre les cartes conforama et compagnie, de deux, c'est passé à trois, puis cinq, puis sept etc... et c'est de cette période dont je me souviens peu. Je me souviens très bien avoir souscrit mes deux premières réserves, et puis après, tout est un peu flou, c'était l'engrenage, c'était tellement facile, je ne faisais pas mes comptes, je ne savais même pas le montant de mes charges, je déclarais n'importe quoi...

Inconscience? Certainement. (Plus tard, j'ai découvert que mon comportement avait des origines compulsives psy... je ne dis pas que c'est une excuse, car cela n'explique pas tout non plus. Mais par contre, le point positif, c'est que ça m'a fait prendre conscience que j'avais un problème. Je suis soignée depuis 2008, encore aujourd'hui, et franchement, je suis contente d'être prise en charge, avant d'avoir pu me mettre dans une situation encore pire).

En 2005, j'avais à peine 24 ans, j'ai fait un rachat de crédits avec ma banque. Seulement, le montant qui pouvait m'être alloué, ne suffisait pas à racheter tous les crédits (quelle est l'utilité d'un rachat de crédit alors, maintenant je me le demande !!! mais à l'époque, aveugle, je me laissais porter).

Alors en 2006, même si je savais que je faisais une horrible boulette, j'ai repioché dans mes réserves encore en cours.

J'ai tout caché à mon compagnon de l'époque. Pourquoi? Sans doute ne lui faisais-je pas assez confiance pour comprendre... il a souffert de ce manque de confiance, et nous avons fini par nous séparer au bout de 9 ans de vie commune. Je vous rassure, je ne l'ai jamais impliqué dans mes dettes : il n'a jamais rien eu à payer, j'ai au moins eu la présence d'esprit de tout mettre à mon nom uniquement, et de ne pas l'escroquer...

En 2007, j'ai repris une formation diplômante à la fac. Et là, ça a fait comme un déclic : piocher dans ses réserves pour payer le loyer etc... ça ne pouvait plus durer.

Mes parents, séparés, ont aussi posé un dossier de surendettement chacun de leur côté cette année-là... ainsi que ma grande soeur (on doit avoir un problème familial avec l'endettement...).

Alors, j'ai pris conscience que c'était la bonne solution à choisir : ma mère m'a rassurée sur la procédure.

Contre l'avis de ma banque, j'ai donc déposé un dossier de surendettement à l'été 2007. Je venais d'avoir 26 ans, et 25000 euros de dettes.
Où est passé tout cet argent? Franchement, même maintenant, je suis incapable de le dire. Si seulement j'avais acheté des choses concrètes avec, que j'aurais pu revendre pour rembourser... mais rien, que du vent...

Cette année 2007, j'ai également obtenu mon diplôme mention bien (je précise que je travaillais depuis l'âge de 21 ans à plein temps en CDI, mais j'ai repris une formation en congé individuel de formation)... c'est ça qui m'a aidé à prendre conscience, que commencer ma vie avec des dettes, je me mettais déjà à moi-même une grosse épine dans le pied...

Bien sûr, il n'y a pas d'âge idéal pour le surendettement, ce n'est pas ce que je dis, et je respecte les situations de chacun.

Mais là, j'avais envie de construire ma vie, une future famille, un futur travail qui me plaît, dans des conditions acceptables...

Pas le choix : je devais déposer un dossier.

Avec le recul, je me dis que si j'avais su, je l'aurais fait bien avant, dès 2005, au lieu de faire ce rachat de crédits qui n'a rien arrangé pour moi !


La période de constitution et de dépôt du dossier n'a pas été facile. Il a fallu retrouver tous les courriers pour faire le point, dont plein que je n'avais pas ouverts, en faisant l'autruche... rédiger un courrier pour expliquer ce qu'il s'était passé... et là, affronter la honte et le mépris de soi-même...

Mais j'ai tenu bon. A l'époque, j'ai glané quelques conseils sur internet, et me souviens de quelques blogs et d'un petit forum qui m'ont bien aidées par leur conseil (mais rien d'une telle ampleur que celui d'aujourd'hui!).



La personne qui a instruit mon dossier à la banque de France a été d'une patience infinie : toutes mes questions, mes appels inquiets, mes incompréhensions... ce monsieur a toujours répondu clairement, longuement, sans jamais perdre patience, sans jamais me juger, alors que pourtant dieu sait si je l'ai souvent appelé, et je ne devais pas être la seule... je ne lui ai jamais dit assez merci... je compte le faire quand mon plan sera fini en 2017  ;)

Le dossier a été déclaré recevable, et un plan proposé, mais un des créanciers a refusé le plan.

Je suis donc passé en mesures recommandées, où une ordonnance a donné force exécutoire au plan (je ne sais si je m'exprime avec les termes juridiques exacts, si ce n'est pas le cas je m'en excuse).

Entre la proposition de plan et les mesures recommandées, il s'est passé quelques mois où je ne vous raconte pas mon angoisse : je voyais mon salut dans le plan de surendettement, et j'avais tellement peur que cela ne puisse pas être possible ! En attendant, mensualités de contacts, toujours devoir rappeler aux créanciers que j'étais en procédure de surendettement, qu'il fallait attendre etc...

Fin 2007, mon plan a pu être mis en place.

Les débuts n'ont pas été faciles : si les mensualités ont du coup été considérablement allégées et que cela a été un soulagement, j'ai dû apprendre à faire mes comptes au cordeau. Cela a été une occasion de remise en question et de nouveau départ... au début, cela m'a fait peur : j'ai été en sérieuse dépression de 2008 à 2010 (pour d'autres raisons également, évidemment, dont un licenciement).

Depuis 2 ans, je vais mentalement beaucoup mieux.

Et après 7 ans de plan, je peux faire un petit bilan, qui est très positif au final :



- Plus de peur du téléphone ni des courriers !


Tant que les mensualités de remboursement passent tous les mois, les créanciers vous laissent très tranquilles.


- J'ai appris à faire mes comptes :

Tous les jours au début, et maintenant 2 à 3 fois par semaine, je pointe toutes les opérations de débit et de crédit de mon compte courant, et je sais où j'en suis au centime près. Il y a parfois eu des mois difficiles, où je comptais vraiment à l'euro près pour manger, même avec le plan de surendettement, et où j'ai dû emprunter 50-100 euros à de la famille ou des amis pour finir le mois... je les ai toujours remboursés le mois d'après, j'y mettais un point d'honneur.
Mais maintenant, j'avoue que faire mes comptes, je ne pourrai pas m'en passer, c'est devenu une drogue presque  ;)


- Je n'ai plus honte de moi :


C'est sûr, je ne suis pas fière. Mais c'est comme ça, c'est arrivé, j'ai fait des erreurs, je veux les réparer, et j'ai pris la bonne décision en déposant mon dossier à la BDF. Je ne m'en vante pas spécialement, mais je ne mens plus, je n'ai pas honte d'en parler à mon entourage, quand je leur explique que ben non restau ce mois-ci c'est pas possible pour moi parce que surendettement etc... et j'ai découvert que finalement, beaucoup de personnes se sentent concernées, pour avoir une personne dans leur famille ou leurs proches en surendettement aussi... j'ai même une amie qui souhaite que je lui montre comment faire ses comptes !


- Je suis devenue un peu parano des banques  ;D :

Même à la banque jaune où tout se passe bien, je reste méfiante même quand il s'agit d'un livret A ou d'un contrat de mutuelle... pour l'instant, je ne souhaite avoir que les dépenses obligatoires. Pour l'épargne, on verra après, quand le surendettement sera fini. Je n'ai pas de chéquier, pas d'autorisation de découvert, et une carte Electron. Parfois pas pratique pour les paiements par carte, car cela ne passe pas : je m'excuse alors gentiment auprès du caissier en lui disant que je reviens avec du liquide (ce que je fais toujours...). Et bien, vous n'imaginez pas le nombre de personnes qui me disent : ah mais pas de problème, j'ai la même carte, je connais ça! (ou alors, c'est de la simple politesse?)


- J'attends décembre 2017, fin de mon plan, pour faire de vrais projets :


J'ai bientôt 33 ans, et je compte fonder une famille, et avoir un travail stable (depuis 2008, j'enchaîne les CDD...). C'est un avis personnel et je ne parle que de ma situation, mais j'ai l'impression que tant que ce plan ne sera pas fini, je m'interdirais de me poser vraiment et de me projeter réellement dans l'avenir. Comme si en plus de payer matériellement mes dettes, je me les faisais payer également à moi-même.


Je ne suis pas malheureuse pour autant, j'ai énormément évolué, énormément appris depuis 2007. Je peux même dire que oui - même si je n'ose pas, je ne sais pas pourquoi - maintenant je suis heureuse. Je suis amoureuse, je viens de réussir un concours de la fonction publique territoriale...

Le combat n'est pas fini, il y parfois encore des incidents de parcours. Mais je ne baisse pas les bras, je ne veux pas.

Mais ce que je peux dire, c'est que...

Si j'ai pu m'en sortir, si je m'en sors, car oui je m'en sors, c'est parce que j'ai déposé un dossier de surendettement.

Pour ceux qui hésitent encore : oui, la démarche n'est pas facile, oui, la procédure n'est pas forcément évidente à vivre. Mais croyez-moi, et c'est quelque chose qui se retrouve dans de nombreux témoignages ici : cela vaut le coup. C'est le premier pas qui rend le sauvetage possible.

Et ici, vous trouverez toujours du monde pour vous soutenir.


Si vous êtes arrivés jusqu'au bout de ce pavé... merci de m'avoir lue !

Désolée si je me suis étalée... je ne sais parfois pas faire le tri... et c'est la première fois que j'en parle avec autant de détails.

Courage, à vous, à nous tous, on va y arriver, on y arrive !!!  :-* :-* :-*

Comailles


catsen

Merci votre témoignage est très touchant


Bravo et bonne route
Je vous envoie un sourire pour faire vivre votre journée

Arwen

Bravo pour ce magnifique témoignage, je m'y retrouve tellement. Bon j'en suis qu'au début, mais j'y crois  bbbo bbbo

missN

Oui, il faut y croire, parce que ça marche !

Si les témoignages peuvent servir à ceux qui hésitent encore à déposer un dossier... ce serait super !

Chaque parcours est différent, avec ses propres épreuves, mais j'y ressens une résonance commune.

Mine de rien, on en sort changé. Et je crois qu'on en sort changé "en mieux". Avec plus de recul sur soi, et sur la vie. Bien sûr, on n'est jamais à l'abri des coups durs... mais on a appris, on apprend encore, à la dure...

Je me revois sur certaines photos parfois, en 2008-2009...

44 kilos toute mouillée, pleine d'os, en pleine séparation, devoir retrouver un logement alors qu'on vient d'être licenciée, qu'on est en surendettement et sans aucun moyen d'avancer une caution, sous médicaments, et devoir se présenter aux potentiels propriétaires avec "une tête de malade"... ce n'était pas facile, c'est le moins qu'on puisse dire  ;)   (un ami m'a heureusement dépannée le temps de retrouver un travail).

Et encore, je n'avais pas d'enfants (j'y pense sérieusement aujourd'hui!), que moi à gérer.

J'essaie d'imaginer la détresse de tous ces parents... et je suis admirative devant leur courage.

Devant celui de ceux qui n'ont pas d'enfants aussi. Devant celui de tous. Car il en faut.

Il y a pire que moi, plus endetté, plus d'accidents de parcours. Certains témoignages ne peuvent empêcher de faire pleurer... pas de la pitié non, mais de la compassion.

Dans tous les cas, se mobiliser pour continuer, malgré les envies parfois de commettre le pire. Ne pas avoir honte, ne pas se sentir plus fier que nécessaire, juste se dire : j'ai combattu, je combats, je suis pas un survivant, je ne suis pas que ça, maintenant je peux être un vivant.

Mes réserves d'argent me sont maintenant inaccessibles, mais j'ai reconstitué mes réserves personnelles : j'ai depuis pris 20 kilos, et cela n'a pas forcément été en me goinfrant  ;)

C'est mieux comme ça, se sentir un peu plus pleine, un peu plus réelle, avoir plus de forces.

Merci pour vos messages  :-*

Smilysoul

L'espérance est un risque à courir.
Georges Bernanos

bisane

Ah ben !!!!  bbbo bbbo bbbo
Souffle coupé !!!! Faut dire que j'ai quelques excuses momentanées qui n'ont rien à voir avec le sujet...  :P


Je confirme : en 2007, il n'y avait pas grand chose sur le net... Je l'ai appris à mes dépens>:(
D'où l'idée de ce forum, dont le 1er a été initié par d'autres que nous, mais auquel nous avons participé !  ;)
il n'y a que les combats que l'on ne livre pas que l'on est sûr de perdre...

BRUYERE

 bbbo bbbo bbbo bbbo bbbo bbbo bbbo pour votre témoignage tellement vrai et émouvant !!

Et bonne route pour la suite !!! ;) ;) ;) ;)
Je m'empresse de rire de tout de peur un jour d'être obligée d'en pleurer

Nath2309

 bbbo bbbo  Très beau témoignage et vous aurais bientôt un avenir radieux  ;) 

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