recouvrement de créance, forclusion, prescription et article 1134 du code civil

Démarré par bisane, 02 Décembre 2015 à 19:44

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bisane

Rappelons en préambule qu'en matière de crédit, les délais pour agir sont de 2 ans, que ce soit en matière de crédit à la consommation (Article L311-52 R 312-35 du code de la consommation - forclusion) ou de contrats conclus entre professionnels et particuliers (article L 137-2  L 218-2 du même code - prescription).
Cela signifie qu'en cas de non respect du contrat (impayés), le prêteur ne peut plus introduire d'action en paiement passé ces délais, ni, donc, procéder à un recouvrement forcé.

Cela n'empêche pas certaines sociétés de recouvrement ou autres huissiers (agissant alors comme officines de recouvrement) de continuer à réclamer des paiements aux débiteurs défaillants.
Il suffit alors généralement de leur rappeler ces délais et, surtout, de ne se livrer à aucun paiement, pour que leur acharnement cesse (lettre à huissier ou société de recouvrement sur dette forclose).

Il arrive cependant que malgré un tel courrier, le créancier ou son mandant ne lâche pas l'affaire, arguant de l'article 1134 du code civil qui dispose que :
    Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
  Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
  Elles doivent être exécutées de bonne foi.

La prescription et la forclusion n'éteignent en effet pas la créance, mais en empêchent simplement le recouvrement forcé.


Voici en tout cas un jugement, confirmé en appel, qui a condamné le créancier pour "recouvrement abusif".

Le premier émane du tribunal d'instance de Nîmes (30/06/2011 - RG n° 11-10-001545), où une dame n'ayant pu respecter son plan de désendettement a reçu des courriers de plus en plus menaçants. Après une 1ère mise en demeure intervenue en 2004, et sans, bien sûr, que la moindre action en justice ne soit entreprise dans l'intervalle, elle a reçu, en 2009, pas moins de 4 courriers en moins de 3 mois, puis, un an plus tard, un courrier d'huissier mandaté par le créancier. Ces faits l'ont même conduite à déposer une main courante, puis à assigner le créancier.

La juge a ainsi estimé que :
La forclusion éteint l'action du créancier mais pas la créance.
Le créancier conserve ainsi le droit de demander amiablement le règlement de sa créance au débiteur.
Toutefois ce droit dégénère en abus lorsque le créancier, professionnel du crédit, alors que le débiteur relancé aux fins des paiements de sa créance a fait connaître son refus ou son impossibilité d'y procéder, persiste en sa demande de règlement dans des conditions susceptibles d'impressionner un débiteur profane pour le contraindre moralement au paiement d'une créance auquel il ne peut l'obliger par une action en justice.


La juge poursuit :
la lettre du 14,09.2009 contient la menace de mettre fin à la gestion amiable de la créance et de donner des suites à l'affaire en fonction des voies de recours possibles, ce qui pour un débiteur profane est de nature à susciter la crainte d'une action en justice alors que celle-ci est irrecevable.
Enfin alors que l'absence de paiement suite à ces quatre lettres exprime le refus du débiteur de s'acquitter volontairement de son obligation civile, la société cr&dirack FINANCE a fait adresser à le 10,03.20-10 un courrier d'huissier de justice chargé du recouvrement de la créance, ce qui pour un débiteur profane est de nature à faire croire à l'imminence d'une action en justice ou à l'existence d'une décision de justice contenant sa condamnation.
En l'état de ces éléments, la teneur, les modalités et J'insistance des réclamations de la société cr&dirack FINANCE ont excédé le droit du créancier de demander amiablernent le paiement d'une créance forclose


Résultat : condamnation du créancier au paiement de 2 500 € de dommages et intérêts, 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et, bien sûr, aux dépens.

cr&dirack a cependant cru devoir interjeter appel de cette décision, aux motifs que celle-ci remettrait en cause le principe même du recouvrement amiable (sic !  >:D ) et n'aurait jamais procédé à un quelconque harcèlement... ce dont elle eut mieux fait de s'abstenir !  :P
En effet, la cour d'appel (Nîmes - 07/05/2012 - RG n° 11/03520) confirme en tous points le jugement et y ajoute :
faire intervenir un huissier de justice pour faire croire au débiteur qu'une action en justice est possible alors que el n'est pas le cas, cela constitue manifestement une manoeuvre déloyale caractérisant un comportement excessif du droit du créancier de demander amiablement le paiement de sa créance.
Ce qui, d'après la cour, caractérise des agissements abusifs pour contraindre une débitrice à régler créance.

Compléments d'analyse ici : délais de forclusion et plan de surendettement : relances abusives


Compléments :
¤ Recouvreurs Amiables Peu aimables : dans le collimateur de la dgccrf
¤ Recouvrement amiable des créances - une profession encadrée et réglementée
¤ Le rôle de  l'huissier Agent Amiable de recouvrement
¤ Pratiques de recouvrement abusives et protection du consommateur
¤ Des pratiques déloyales en matière de recouvrement de créances ?

¤ L'huissier pourra délivrer un titre exécutoire pour les dettes de faible montant

il n'y a que les combats que l'on ne livre pas que l'on est sûr de perdre...

bisane

L'autre arrêt (CA de Metz - 04/11/2010 - RG n° 09/01733) ne fait pas tellement référence à une éventuelle forclusion (ou prescription), mais bien à un recouvrement un peu trop forcé pour rester amiable !  :P
Ici, le créancier n'a pas même daigné se présenter aux audiences (en 1ère instance puis en appel), ni justifié de sa créances, auprès du débiteur et des tribunaux.
La cour estime en effet que M. Claude H démontre que la Société INTRUM JUSTITIA a agi, en l'état actuel de la procédure avec une légèreté blâmable constitutive de harcèlement dans les méthodes utilisées en vue du recouvrement de la créance alléguée en raison de l'absence de preuve de son bien fondé.
Il faut dire que le Mr n'avait pas reçu moins de 7 courriers, dont aucun ne justifiait pleinement de la créance !

Résultat des courses : 500 € de dommages et intérêts et 100 € à rembourser au titre de répétition de l'indu !
il n'y a que les combats que l'on ne livre pas que l'on est sûr de perdre...

bisane

Article fort bien conçu pour comprendre les principes : Forclusion : mode d'emploi


Merkik à abdulphiplippe;)
il n'y a que les combats que l'on ne livre pas que l'on est sûr de perdre...

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