Bonjour, je suis actuellement en 3ème de Conseillère en Economie Sociale Familiale je réalise un mémoire sur le surendettement et plus précisément sur l'impact du surendettement sur le lien social.
J'ai besoin de vos témoignages pour comprendre ce phénomène qui touche de nombreuses personnes.
J'aimerais avoir une approche du surendettement autre que théorique, j'ai besoin de comprendre qu'est ce que c'est le surendettement ?
En effet, j'ai besoin de comprendre quelles sont les conséquences du surendettement sur le quotidien (les relations, le budget ...)
De plus, j'aimerais savoir comment on peut arriver au surendettement, qu'est ce qui fait qu'on peut devenir surendetté ?
je vous remercie d'avance ...
n'hésiter pas à me répondre par message privé
Vous pouvez également lire les fils qui figurent dans la section dans laquelle je viens de déplacer le vôtre...
Il faudrait que vous soyez beaucoup plus précise dans vos questions pour nous puissions y répondre ! ;)
merci pour vos réponses et votre implication dans mon travail ...
veuillez trouver en pièce jointe mon questionnaire
Quelle définition pour le surendettement : techniquement il est composé de deux mots qui définissent la situation : un endettement au delà du supportable qui conduit le débiteur à ne plus être en capacité de faire face à ses dettes et ses créances. La notion de surendettement est rattachée aux particuliers - au sens de non professionnels - . Il ne faut pas limiter le surendettement au remboursement des prêts. Au-delà c'est tout l'équilibre financier qui est rompu et qui conduit la personne qui le subi à ne plus être en capacité de faire face à ses échéances comprenant - ses charges fixes - assurances, impôts, loyer, assurance ... - et bien entendu ses remboursements de prêts. Techniquement le surendettement se décline en deux catégorie :
Le surendettement "passif" qui provient à la suite de ce que l'on appelle un "accident de la vie" : chômage, décès, divorce, séparation- qui va générer dans une période plus ou moins longue une détresse financière à laquelle le débiteur ne peut faire face ;
Le surendettement "actif" dans lequel c'est la propension du débiteur à souscrire des crédits - notamment des renouvelables - qui entrainent le surendettement
Le surendettement est un tsunami social à double titre. Dans bien des cas, et la lecture de quelques fils du forum vous éclairerait à ce sujet, il se caractérise par une confrontation à la réalité qui se matérialise par ce constat : "mais comment ai-je pu en arriver là...." Ensuite l'inventaire des dettes et encours constituent un autre traumatisme. Le montant des remboursements à venir est souvent abyssal et un mur infranchissable se dresse ensuite devant celui qui en prend conscience. Généralement c'est panique à bord et les angoisses montent alors en surface avec la peur des huissiers, des saisies, de se retrouver sous les ponts. Ces angoisses peuvent être destructrices et nous commentons sur certains billets, les solutions extrêmes - suicides - auxquels certains malheureux se résolvent, poussés au désespoir. Fort heureusement ce n'est pas la majorité des cas.
Le parcours du combattant commence alors : quelle solution, où trouver de l'aide ? A cette première question s'ajoute la chappe de la plomb de la honte qui descend peu à peu sur vous : pour trouver de l'aide, il va falloir s'expliquer, raconter, se dévoiler et croyez-moi ce n'est pas chose aisée. Bien souvent le parcours vers l'exclusion et la rupture du lien social commence ici. Paradoxe ? Oui et non : la prise de conscience est telle qu'elle provoque dans la honte, le repli sur soi. Peu de surendetté, c'est le cas ici et sous couvert d'un pseudo, s'exprime à visage découvert....
Au-delà, ce souvent les premières confrontations avec les Avis à Tiers Détenteurs - adressé à l'employeur notamment -, les huissiers, le harcèlement téléphonique des sociétés de recouvrement qui vont vous isoler un peu plus. Pourquoi cet isolement ? Ce qui caractérise un individu dans notre société est avant tout lié à sa capacité de consommer, de dépenser, de paraître. A partir du moment où tout ceci devient impossible, alors... Contrairement à ce qui se passe dans "Harry Potter" ou de l'aide est apportée à celui qui le demande, le surendettement ne s'apparente pas à Poudlard. En dehors de quelques associations - Crésus en particulier - et de quelques travailleurs sociaux - force est de constater que l'aide est inexistante. Ce forum est l'exception qui confirme la règle. Le dépôt du dossier s'accompagne de la lettre de saisine : la lettre qui explique le pourquoi du comment. Permettez moi de vous dire que c'est parfois un accouchement difficile : comment expliquer clairement quelque chose dont bien souvent on n'a pas appréhendé ni les tenants ni les aboutissants. La section correction des lettres de saisine est édifiante à ce sujet...
Voilà votre dossier est déposé, maintenant vient le temps de l'attente et celui de stabilisation financière : il va falloir en effet montrer "patte blanche" pour appartenir à ceux qui verront leur dossier obtenir la recevabilité. Ah la recevabilité ! On l'attend tous comme le Saint Graal, celle qui va nous donner une seconde chance. A l'épreuve des faits les choses sont loin d'être aussi limpides. Sans rentrer dans le détail de la procédure, la Banque de France examine la "bonne foi", qui est toujours présumée. C'est en effet au débiteur de bonne foi que s'adresse en priorité la procédure. Les modifications successives de la législation sur le surendettement conduisent de plus en plus souvent les créanciers à contester la décision de la Banque de France. (désendettement sur 10 et désormais sur 8 ans). En effet au bout de 8 ans la dette est considérée comme amortie et conduit souvent à un abandon partiel ou total de son excédent).
La contestation emmène le surendetté de la commission au tribunal. Après la honte de ses propres turpitudes, voici notre surendetté devant le juge. Monter un mémoire en réponse à la contestation, sans connaissance juridique est une gageure. Prendre un avocat : le coût est parfois exorbitant – surtout pour une bourse de surendetté – et à l'épreuve du feu, le résultat n'est pas toujours à la hauteur de l'investissement.
La réponse arrive enfin : il se sera écoulé entre 2 mois et plus d'un an (pour nous recevabilité le 28/04/2011, contestation en mai 2011, convocation au tribunal le 21 février 2012, décision le 5 juin 2012 et nous avons reçu le recommandé avec la bonne nouvelle le 21 juin 2012). Entre temps votre vie change de trajectoire : on vivotte. La capacité de remboursement telle que définie à l'origine est épargnée en cas de coup dur pour l'avenir : 2.142 €uros sur une un net variant entre 4.500 à 4.800 € au cours des meilleurs mois) qui rentrent et sur lesquels il faut payer les charges fixes : loyer, assurances, impôts, téléphone, cantine, transport, et le quotidien pour vivre. Alors bien évidemment on élimine tout le superflu : l'inscription au sport, le cinéma, les abonnements téléphoniques, les assurances, les livres, chaque euro est compté. Tout ceci contribue bien évidemment à vous mettre en marge de la société de consommation puisque en tout état de cause vous n'êtes plus en capacité financière de consommer. Inviter les amis ? Ben on ne peut plus ou dans des occasions qui sont limitativement définies dans l'année. Chaque dépense est pesée, mesurée, planifiée. Notre budget course de la semaine est de 80 € pour 4 personnes en région parisienne et nous y arrivons car ma femme utilise 2 tickets restaurant par semaine et obtient 4€ de réduction par caddie chaque semaine chez un hard-discounter. Les menus sont établis en fonction des promos du magasin : nous arrivons malgré tout à manger varié et frais.
La descente aux enfers continue : le plan arrive. Toute l'épargne accumulée pour les coups durs est absorbée par la BDF et le montant de notre capacité de remboursement passe de 2.142 à + de 2.396 euros... sans palier pour une durée de 8 ans. Le montant de ce qui rentre n'a pas changé, nos impôts augmentent, toutes nos charges fixes également, simplement la BDF ne raisonne pas sur des charges fixes mais sur un « forfait » çà s'appelle le « reste à vivre ». En projection sur 4 mois de l'année nous serons dans le rouge, il faudra donc compenser avec les 8 mois sur lesquels nous sommes excédentaires. Alors bien évidemment pour entretenir du lien social c'est un peu compliqué...
Financièrement, psychologiquement, socialement, le surendetté est en marge : le plus souvent sa capacité financière est tellement obérée qu'en tout état de cause, il se doit de protéger l'essentiel, le vivrier. Au-delà du poids de la responsabilité, la faillite est également supportée par le couple, la famille. Si elle n'est à l'origine du surendettement, la séparation accompagne malheureusement souvent cette procédure. Bien que la BDF tente de conserver le patrimoine du débiteur lorsque celui-ci est propriétaire lorsque c'est possible, la vente de sa maison est un autre trauma. C'est une partie de soi, souvent l'investissement d'une vie qui disparait. La BDF du Val-de-Marne exprime ainsi la difficulté dans son rapport d'activité : «
La conservation de la résidence principale s'avère assez fréquemment difficile à mettre en œuvre pour des débiteurs aux revenus modestes et qui se sont déjà endettés sur 25/30 ans pour l'acquisition de leur logement. »
Le « reste à vivre » désigne bien ce qu'il est au fond : pendant la durée du plan vous êtes autorisez à vivre à concurrence de ce que la BDF veut bien vous laisser. Je ne serai sans doute pas là pour vous raconter cette histoire, si ce forum ne nous avait pas sauvé la vie, et je pèse chacun des mots que j'écris en disant cela. La condition du surendetté se caractérise par la solitude et la mise à l'index. Franchir cette porte a été le geste salvateur ; le choc a été rude mais il a permis de remettre une histoire en perspective, d'analyser et d'en comprendre les mécanismes, de rétablir la situation et de réinstaurer la sérénité et la confiance, ce n'était pas gagné.
Voilà au fond tout ce qui manque aux lois diverses et variées du surendettement qui émaillent les 20 dernières années. Elles s'attaquent aux conséquences sans véritablement en analyser les causes ni y remédier. La Loi Lagarde, est la première qui met le doigt sur un des rouages de ce processus jusqu'à présent soigneusement dissimulé, la responsabilité des prêteurs. Une fois la procédure enclenchée que deviennent les surendettés ? Quels suivis, quelles mesures ? Voilà pourquoi, certain d'entre nous continuent ici, au-delà de leur propre histoire, à apporter le soutien, le coup de main, le mot, l'expérience, qui permettent de survivre au quotidien. Nos rencontres virtuelles sont devenues réelles et à intervalles réguliers nous nous voyons. Dans ces rencontres ni faux-semblant, ni tabou : on peut enfin laisser notre esprit au repos ne pas avoir à cacher, ni à biaiser, quel soulagement !
Au fond du désespoir, il y a malgré tout des motifs de satisfaction : ma banquière est très heureuse de voir que mon compte fonctionne à merveille. D'ailleurs elle m'adresse à intervalles réguliers des demandes pour étudier de « futurs placements », on croit rêver. Un crédit : non merci madame, j'ai arrêté depuis décembre 2010 et je ne compte plus jamais en reprendre. Je prépare un concours qui me permettra d'améliorer notre situation de citoyens à l'index et accessoirement de piéger quelques uns de ceux qui nous ont conduits là où nous en sommes.
Bien entendu il s'agit de notre histoire : elle se singularise par la longueur de la procédure. Mais en tout état de cause, elle reflète ce sentiment d'être pour partie, hors du chemin traditionnel et d'avoir à patienter de longue année avant de revenir sur des routes plus fréquentées.